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Poesia : de la Poésie, des textes libres
23 octobre 2020

SUR LA RÉCIPROQUE

« Quand j’y suis, tu n’y es pas... et réciproquement ».
Mais que cache donc cette phrase ?
Je me méfie souvent de l’utilisation de la réciproque.

Pour un énoncé de la forme « si A alors B », la réciproque est « si B alors A ».
Il est à savoir que la véracité de la réciproque n’est pas liée à celle de l’énoncé.
Autrement dit, il se peut que l’une soit fausse et l’autre vraie, ou que les deux soient vraies, ou que les deux soient fausses : tout est possible.
Par contre, la contraposée, à savoir « si non B alors non A », a la même véracité que l’énoncé.
Autrement dit, soit toutes les deux sont vraies, soit toutes les deux sont fausses.

Dans notre cas, en supposant que la négation de « ne pas être » est « être », la contraposée de notre énoncé de départ est donc « quand tu y es, je n’y suis pas ».
Nécessairement, puisque si j’y étais, tu n’y serais pas...

La réciproque de notre énoncé est pour sa part : « si tu n’y es pas, alors j’y suis ».
Mais est-ce vraiment ce que pense la personne qui le dit en parlant de réciproque ?
En fait, on a plus en tête la contraposée de la réciproque, à savoir « quand je n’y suis pas, tu y es ».
Bien entendu, comme nous l’avons écrit plus haut, la véracité de la réciproque est la même que celle de sa contraposée, donc ça ne pose pas de problème logique de parler ici de réciproque.

Mais est-ce que ça ne fait pas faire une gymnastique compliquée à l’esprit pour être sûr de comprendre ce que dit l’autre ?

Une autre phrase, par exemple : « Ce qui est entendu n’est pas dit... et réciproquement ?! »
Ne comprend-on pas plutôt seulement la contraposée, à savoir « ce qui est dit n’est pas entendu » ?
Car la réciproque, « ce qui n’est pas dit est entendu » paraîtrait complètement démesuré : ce qui n’est pas dit est incommensurable, comment pourrait-il être entendu ?
Même sous sa forme contraposée, « ce qui n’est pas entendu est dit » est tout à fait impossible pour ces mêmes raisons de mesure.
On a donc là un usage erroné du mot réciproque.

Mais revenons à notre énoncé de départ, car il y a un peu plus à voir, selon un certain point de vue.
En effet, cet énoncé est d’une certaine manière « totalisant ».
J’entends par là le fait qu’à chaque fois, soit j’y suis (et tu n’y es pas), soit tu y es (et je n’y suis pas).
Ainsi, forcément l’un de nous deux y est : sur le total de ces moments, il y a une présence.
La phrase semble même suggérer le fait qu’il a été observé que les deux cas se sont présentés.
Bien sûr, on ne connaît pas les proportions de ces deux cas, si l’un est plus fréquent que l’autre, mais il y a quelque chose de rassurant dans le fait de savoir qu’il y a nécessairement quelqu’un : on peut savoir ce qui se passe à chaque fois.

Par contre, si l’énoncé était « quand j’y suis, tu y es... et réciproquement », ce qui se passe c’est qu’à chaque fois, soit nous sommes tous les deux présents, soit nous sommes tous les deux absents.
Peut-être que nous sommes tout simplement toujours là ?
Ou bien seulement quelques fois ?
L’expérience, là encore suggérée par la phrase, indique que l’on n’est pas dans le cas où aucun de nous ne vient jamais.
Mais c’est un peu plus inquiétant : que se passe-t-il quand aucun de nous deux n’y est ?
On s’en moque ?
Sans doute...
Et peut-être qu’un énoncé supplémentaire faisant apparaître une troisième personne nous rassurerait.

De toute façon, un énoncé ne dit jamais plus que ce qu’il dit... on a parfois trop tendance à élargir, généraliser, si ce n’est pas déformer, ce qui est dit.
Quand ce qui est dit est vraiment ce que l’on veut dire, c’est déjà bien assez compliqué de ne pas mal interpréter ou de ne pas surinterpréter.
Alors quand on dit quelque chose de faux, tout est permis dans les interprétations.
Car tout le monde sait bien que du faux on peut déduire ce que l’on veut, ne serait-ce qu’à travers cette expression : avec des si, on mettrait Paris en bouteille.

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