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Poesia : de la Poésie, des textes libres
29 juin 2020

ENTRE HASARD ET MAÎTRISE

Je ne vis pas de la même manière chacune des différentes formes de création auxquelles je m’adonne. Mon état d’esprit lié à leur exécution est très dépendant de la forme utilisée, plus rarement du sujet. Pour toutes, je suis à la recherche d’une certaine esthétique, mais selon que je m’estime capable de l’atteindre avec précision ou non, je vais être tenace, capable d’y passer beaucoup de temps, ou non. Autrement dit, je peux dans certains cas vouloir peaufiner ce que j’ai dégrossi après un premier jet et aller jusqu’à être certain de n’avoir aucun regret sur le résultat, alors que dans d’autres cas, me sachant incapable et n’ayant aucune envie, ou volonté, de travailler pour améliorer des capacités qui me permettraient d’atteindre la perfection qui me satisferait, je vais tout simplement laisser aller, voire abandonner. Cela peut être lié, parfois, au fait même de savoir précisément ce que je souhaite obtenir. Il se peut que je n’en aie aucune idée, ce qui fait que je ne sais pas dans quelle direction aller pour améliorer, ou même avancer, dans mon travail de l’œuvre. Dans certains cas, c’est une question de dextérité, qui me manque et qui ne pourrait être obtenue qu’avec un travail pénible que je refuse de faire.

Je peux entrer un peu dans le détail pour fixer un peu les idées :

Les créations sur lesquelles je suis capable de passer beaucoup de temps pour les rendre les plus parfaites à mon sens sont celles qui utilisent l’outil informatique. C’est le cas dans la création d’un programme ou l’édition et l’enregistrement d’un fichier musical par exemple. Ce sont des travaux très techniques, où la répétition est facile, exécutée par la machine, et où je sais pouvoir obtenir ce que je souhaite avec précision. Dans une moindre mesure, il y a le traitement informatique des images prises avec un appareil photo numérique, sur lesquelles je peux avoir très peu d’exigence, à moins d’avoir une idée très précise en tête, auquel cas je peux passer pas mal de temps pour atteindre mon but, ou au moins pour m’en approcher suffisamment près. Le cas des programmes informatiques est particulier, parce qu’ils sont capables de chambouler totalement mon rythme quotidien, du fait que je réfléchisse au problème constamment, formant de manière plus ou moins consciente les détails de sa résolution, nécessitant que je m’y mette au moment où j’ai une construction précise en tête, quelque soit l’heure. Cela ressemble à ce que j’ai pu vivre quand je cherchais à résoudre un problème mathématique : celui-ci reste constamment en tête, occultant tout le reste, presque y compris les besoins naturels les plus importants. C’est tellement entêtant qu’une durée trop grande de cette situation pourrait entraîner des conséquences dramatiques. Je crois malgré tout que c’est parce que j’ai la quasi certitude de pouvoir réaliser en un temps assez court ce que j’ai en tête que je me permet de fonctionner ainsi. En tout cas ce fonctionnement est à la fois enthousiasmant, parce que je fais quelque chose qui me tient à cœur, et perturbant parce que cela détruit totalement mon rythme et m’isole totalement du monde en m’obsédant bien trop. C’est une des raisons qui a fait que j’ai abandonné l’idée de faire de la recherche, en plus du fait que je n’étais pas assez bon pour cela.

Une autre forme de précision se trouve dans ce que j’écris, en particulier ici dans mon livret de l’intranquillité. Il s’agit de choisir les mots, les tournures de phrases, qui expriment au plus juste ce que je ressens, l’idée que je veux développer, en essayant d’être le plus honnête possible, en espérant être le moins ambigu possible. Je peux passer beaucoup de temps sur le choix d’un mot, la manière de former une phrase, et il y a peu de phrases qui viennent en un seul jet, à la première pensée. Car la pensée intuitive, qui lance les premiers mots, est plutôt maladroite et nécessite d’être repensée pour trouver la bonne manière de l’exprimer précisément et justement. Ainsi, cela me prend du temps d’écrire, et si parfois, à la relecture d’anciens textes, je me trouve maladroit, je retrouve malgré tout le travail de réflexion qui s’y trouvait. S’il m’arrive de trouver un texte peu clair pour moi, parce que j’aurais mal établi un contexte permettant d’éclairer au mieux l’idée que je développe, cela est plutôt rare dans l’ensemble, justement parce que j’essaie de penser ce que j’écris comme quelque chose qui peut être lu hors contexte. Je sais que mon écriture peut être maladroite ; elle l’a été quand j’étais plus jeune, et je pense tout de même avoir fait des progrès avec le temps. Je me bats encore souvent avec les répétitions de mots et la ponctuation. C’est sur des phrases que j’ai eu beaucoup de mal à former que certaines critiques peuvent se formuler, justement parce que j’ai eu du mal à trouver la bonne tournure pour les rendre claires et lisibles. Cela dit, il est très possible que je considère avoir du mal sur beaucoup de phrases car presque chacune demande un effort. En tout cas, mes maladresses ne sont pas un manque d’application, mais une application justement trop grande, qui m’aurait fait passer à côté, peut-être de la simplicité ou d’une tournure plus naturelle. Le remaniement de phrases peut mener parfois, même avec une relecture, à des structures complexes, excessivement alambiquées, voire incompréhensibles. J’essaie alors, le plus souvent, de former mes phrases en une seule fois, même si c’est en prenant du temps, en particulier pour trouver des mots qui m’échappent.

Lorsque je prends une photo, je cherche également une certaine perfection sur certains points qui me paraissent importants. Je souhaite avoir le bon cadre tout de suite et ne pas avoir à y retravailler plus tard. J’élimine, en me positionnant le mieux possible, tout ce qui est indésirable dans l’image, je réalise le placement d’un ou de plusieurs éléments avec précision. Je ne cherche cependant pas à maîtriser absolument tous les paramètres possibles, car il y en a trop, et aussi parce qu’ils ne me paraissent pas forcément importants. Je sais par exemple que certains détails, comme la lumière ou les couleurs, pourront être modifiés plus tard avec autant de précision que je le souhaiterai.

Quand je crée de la musique, qu’il s’agisse d’improvisation ou de composition, et que je l’enregistre, je dois n’avoir pas fait trop d’erreurs, ou des erreurs que je peux corriger par la suite, étant donné que j’enregistre ma musique numériquement. Cette notion d’erreur est valable évidemment en composition, mais également dans l’improvisation, puisque je respecte l’harmonie et, comme d’une part je ne maîtrise pas du tout l’art de la composition et comme d’autre part ma dextérité n’est pas bonne, il m’arrive de jouer des notes qui sortent trop de l’harmonie. Cependant certaines erreurs deviennent parfois, dans mes improvisations, des éléments de variation, en tout cas de personnalisation, de mes œuvres musicales. Je crois même qu’elles sont une sorte de signature, comme si la création était celle de mes doigts qui, volontairement, en tout cas par habitude, jouent sur ces écarts à l’harmonie d’une manière qui me reste toujours familière, peut-être très personnelle mais qui ne sont pas voulus par ma conscience. Il est vrai que je forme très rarement une mélodie dans mon esprit, et que je laisse guider le hasard, bien que je le contraigne à rester dans une harmonie générale. Je n’ai en tout cas aucune notion de rythme, et mes compositions ne tiennent pas en compte l’idée de mesure musicale, ni même de tempo. Je me sais incapable de jouer en groupe avec d’autres, car je ne compte jamais mes temps, et que même en les comptant je fais des erreurs. De manière générale, si je n’étais pas lié à un emploi du temps fixé de l’extérieur, j’aurais sans doute très peu de fonctionnement lié au temps, aucune activité périodique.

Je n’ai pas évoqué, en ce qui concerne l’écriture, de la création d’histoires. J’en ai fait très peu, et pour l’instant presque toutes sont inachevées, à part une nouvelle qui essentiellement me mettait en scène d’une manière plus ou moins fictive, en tout cas de manière plutôt réaliste. Je me soucis de précision dans l’écriture de mes histoires comme dans mes autres textes, mais il me manque ici l’idée, la construction du récit. Autrement dit j’ai une idée de départ, avec des éléments que je sais vouloir placer, mais je n’ai aucune idée du développement des actions, et en particulier aucune idée de la fin. Ne sachant où aller, c’est en écrivant que je développe le récit, comme s’il avançait tout seul à mesure que j’écris. Je crains alors une construction maladroite car non maîtrisée de l’histoire, avec une absence de rythme, ou plutôt une irrégularité de celui-ci. Je pense en fait que je ne peux pas être un créateur d’histoire, car j’ai trop peu d’imagination pour cela. Je ne peux que rester dans le monde de la pensée, éventuellement des idées, que je peux essayer de développer, mais pas sous forme d’action, peut-être parce que celle-ci est trop étrangère à mon fonctionnement personnel, moi qui suis davantage un observateur qu’un acteur. J’ai toujours eu un rapport difficile avec les fins des histoires. Je les ai souvent critiquées, et je m’aperçois qu’elles sont très difficiles à réaliser. Je crois maintenant que, comme dans la vie il n’y a pas de fin en soi, car il y a toujours quelque chose qui continue, les fins sont toujours arbitraires, donc presque nécessairement décevantes. Il faudrait peut-être que j’assume l’écriture d’histoires sans fin et sans but, comme l’est la vie.

Il me reste à parler de la peinture, qui est la forme que je maîtrise le moins. Dans cette expression artistique, je n’ai ni l’idée du but, ni la dextérité. C’est donc un travail presque exclusif du hasard, si ce n’est que parfois je cherche à atteindre une certaine harmonie dont j’ai l’intuition, qui peut me demander du temps pour l’obtenir, sur un petit détail d’une peinture qui par ailleurs possède beaucoup de maladresses. Pourtant, ce sont parfois les peintures sur lesquelles j’ai passé le moins de temps, où le hasard a le plus joué, qui me plaisent le plus, justement parce que ce hasard a fait naître des détails surprenants, que je sais incapable de produire volontairement. Malheureusement, ce que je peins n’est pas ce que je voudrais peindre. Je n’arrive pas à faire dans le minimalisme que je souhaiterais. Je suis également incapable d’imaginer un sujet, ce qui implique que ma peinture est nécessairement non figurative, ce qui m’arrange étant donné que je ne suis pas dessinateur, car cela demande un travail que je ne suis pas prêt à fournir. Je crois que c’est la seule forme dans laquelle je dois me forcer vraiment pour réaliser quelque chose, bien que parfois cette activité me permette de passer un moment plus ou moins agréable sans trop penser. De ce point de vue c’est un peu le contraire pour moi de l’écriture, qui me vient comme une nécessité, et qui justement est là pour exprimer ce que je suis en train de penser.

L’amplitude de mes créations est donc grande entre l’improvisation totale et la maîtrise, entre la création au fil de l’activité et celle qui est guidée par un but précis. Très peu de mes créations sont susceptibles de me plaire lorsqu’elles sont terminées en dehors, sans doute, de celles que j’ai pu maîtriser de bout en bout. Ce qui peut paraître surprenant c’est que je ne cherche pas à être capable de maîtriser les autres et de me donner les moyens d’être satisfait. Je crois que cela est dû au fait que je m’en sente tout simplement incapable. Peut-être aussi que j’ai besoin malgré tout de cette part de hasard, même si celui-ci ne fait pas toujours aussi bien les choses que je le souhaiterais. Peut-être est-ce un moyen de ne pas me fatiguer, car la maîtrise peut être épuisante, surtout quand on est perfectionniste comme je le suis sur ce que je maîtrise quand j’ai une idée précise en tête. Cela vient en partie de la notion de minimalisme, importante et transversale dans mes créations, y compris informatiques, qui peut demander beaucoup de temps et d’énergie, aussi paradoxal que cela puisse paraître, simplement parce que les premiers jets sont généralement trop brouillons et maladroits.

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